Inondations dévastatrices en Espagne : phénomène météorologique naturel ou erreur humaine
Dans la nuit du mardi 29 au mercredi 30 octobre, des inondations dévastatrices en Espagne ont emporté la vie de pas moins de 205 personnes, selon le dernier bilan établi ce vendredi, 1er novembre. Le gouvernement parle d’un prochain bilan encore plus lourd.
Des pluies diluviennes exceptionnelles, équivalentes à une année de pluies, se sont abattues en seulement huit heures sur le sud et l’est de l’Espagne, causant un nombre important de décès, plusieurs dizaines de personnes sont encore portées disparues, et certaines régions n’ont pas encore fait état de leurs victimes. Ce chiffre est le plus élevé depuis les inondations d’octobre 1973 qui avaient fait 300 morts. Dans la région de Chica à Valence, 941 litres par mètre carré se sont accumulés, ce qui est qualifié d’extraordinaire par l’agence météorologique nationale espagnole « AEMET ».
La première cause qui est présentée est le changement climatique qui aggrave la force et la récurrence des événements météorologiques extrêmes, comme les inondations récentes en Espagne. La cause en est des « gouttes froides » rendues plus intenses et plus fréquentes par la déstabilisation du courant-jet polaire. Cependant, l’intervention de l’humain dans le développement de l’urbanisme a un impact très important.
Changement climatique et phénomènes météorologiques extrêmes
Le changement climatique modifie la structure du système météorologique de la Terre, créant des conditions favorables à des orages intenses. Les climatologues et les météorologues ont attribué les inondations à un « système orageux de basse pression » exceptionnel qui s’est bloqué au-dessus de la région, déversant une quantité de pluie équivalente à une année en seulement huit heures. Ce phénomène météorologique naturel, communément appelé « gouttes froides » ou « DANA » (Dépressions à l’Altitude d’Origine Non-Tropicale), sont courantes en Espagne à l’automne et en hiver.
Le responsable du programme « Worl Weather Attribution » au Centre for Environnemental Policy de l’Imperial College de Londres, M. Friederiko Otto, a expliqué que « Il ne fait aucun doute que ces pluies diluviennes ont été intensifiées par le changement climatique », les températures élevées de la mer et le réchauffement climatique ont amplifié la quantité de pluie apportée par ces tempêtes. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a déclaré que « c’est la réalité dramatique du changement climatique » et ajoute que « les phénomènes météorologiques extrêmes sont devenus la nouvelle normalité ».
En effet, Les tempêtes méditerranéennes ou les DANA se forment de la même manière que les ouragans et les typhons, mais leur trajectoire est plus limitée, ce qui réduit leur accumulation d’énergie et d’humidité.
Autrefois, la Méditerranée ne se réchauffait suffisamment pour favoriser une évaporation accrue qu’en fin d’été, mais aujourd’hui, elle l’est tout au long de l’année, générant en permanence une grande quantité de vapeur d’eau qui s’élève dans l’atmosphère. Il y a 50 ans, ces phénomènes météorologiques DANA se produisaient trois à quatre fois par an, principalement en novembre. Aujourd’hui, ils surviennent tout au long de l’année.
Les Combustibles fossiles, un facteur majeur dans le réchauffement climatique
M. Friederiko Otto a indiqué que « Chaque fraction de degré de réchauffement des combustibles fossiles permet à l’atmosphère de contenir davantage d’humidité, ce qui entraîne des pluies plus abondantes. Ces inondations meurtrières nous rappellent une fois de plus à quel point le changement climatique est devenu dangereux avec un réchauffement de seulement 1,3 °C ».
Il a également souligné que les Nations unies ont récemment prévenu que le monde se dirige vers un réchauffement de 3,1 °C d’ici à la fin du siècle. Il affirme que lors de la COP29, les dirigeants mondiaux doivent s’accorder non seulement sur la réduction, mais aussi sur l’arrêt de la combustion des combustibles fossiles, avec une date butoir.
Il ajoute que « plus le monde tardera à remplacer les combustibles fossiles par énergies renouvelables, plus les phénomènes météorologiques extrêmes deviendront grave et fréquents ». En effet, les énergies fossiles, composées de charbon, d’hydrocarbures et de gaz naturel, sont brulées pour produire de l’énergie. Cependant, cette combustion génère des molécules telles que le dioxyde de carbone, le méthane et les oxydes d’azote, qui piègent une partie des rayons infrarouges émis par la Terre et la mer, provoquant ainsi un effet de serre qui réchauffe la planète.
Un système d’alerte aux dangers des inondations défaillant
Les autorités locales de Valence n’ont pas émis à temps des avertissements et les alertes sur les dangers de la tempête, ce qui lui a valu de nombreuses critiques. En effet, le gouvernement de Valence a reconnu avoir envoyé des SMS avertissant les habitants de la catastrophe que huit heures après que les inondations ont été signalées et dix heures après que l’AEMET a annoncé des précipitations extrêmes et émis un avertissement de danger extrême dans la région.
Le système d’alerte aux dangers des inondations a échoué, le SMS envoyé mardi juste après 20 heures, est arrivé trop tard pour de nombreuses personnes qui étaient déjà bloquées chez elles, dans des magasins ou dans leur voiture dans les rues au moment où les inondations meurtrières ont frappé la région.
Hannah, Cloke, professeure d’hydrologie à l’université de Reading a fait part de sa consternation face à un tel bilan, elle a déclaré qu’il est « consternant de voir autant de personne pourrir dans des inondations en Europe » et ajoute que « La tragédie des personnes qui meurent dans des voitures ou qui sont emportées dans les rues est tout à fait évitable si les gens peuvent être tenues à l’écart de la montée des eaux ».
La contribution de l’humain dans ces inondations dévastatrices en Espagne
Il est évident que le changement climatique accroit des quantités importantes de pluie dans les orages liés aux DANA. Cependant, il ne faut pas négliger la contribution de l’humain dans ces inondations. La conception et le développement des villes jouent également un rôle important. En Espagne, un grand nombre de vergers ont été remplacés par des rues bétonnées. Selon une étude espagnole de 2014, deux tiers du verger de Valence ont été supprimés depuis 1956, passant de 15 000 hectares à 6 000 hectares il y a 10 ans.
Durant les années 70, l’urbanisme a explosé, car il s’agissait d’une stratégie d’urgence sans planification adéquate pour loger rapidement une population en augmentation, un baby-boom que l’Espagne a connu durant les années 50-70, ainsi que la migration de la campagne vers la ville. De plus, la trajectoire naturelle de l’eau a aussi été modifiée, l’agroclimatologue, Serge Zaka a indiqué que « l’urbanisation a clairement créé un toboggan géant entre la ville de Valence et son amont, là où l’orage a stationné ». Pour les besoins de l’urbanisation, l’écoulement naturel des cours d’eau qui traversaient auparavant la ville a en effet été dévié et réduit, il a été concentré dans des canaux trop étroits pour gérer les fortes pluies.
Trouvez d’autres articles sur DerniereActu