Immigration

Travailleurs étrangers : En Suisse, 460 000 postes à pourvoir d’ici 2035

Pour faire face à un vieillissement rapide de sa population active, la Suisse devrait accueillir près de 460 000 travailleurs étrangers d’ici à 2035. Plusieurs secteurs clés pourraient être en pénurie aiguë, ce qui obligera le pays à recourir à l’immigration pour préserver la dynamique économique et répondre aux besoins du marché du travail.

La Suisse entre dans une période charnière. D’un côté, une population vieillissante qui modifie en profondeur la structure du marché du travail ; de l’autre, un besoin croissant en main-d’œuvre qualifiée pour soutenir l’activité économique. Ces deux dynamiques convergent vers un même constat : d’ici dix ans, le pays manquera de près d’un demi-million de travailleurs à temps plein.

Selon les prévisions actualisées de l’Office fédéral de la statistique (OFS) publiées en avril 2025, la population résidente passera de 9 millions en 2024 à 10,5 millions en 2055. Mais cette croissance démographique ne sera possible qu’à travers l’immigration, dès 2035. Car à cette échéance, l’accroissement naturel (naissances moins décès) deviendra négatif.

Travailleurs étrangers : une solution incontournable pour éviter la pénurie

D’après une étude conjointe de l’Union patronale suisse (UPS) et d’Economiesuisse, il manquerait environ 460 000 travailleurs étrangers à plein temps d’ici 2035, toutes nationalités confondues. Même en améliorant l’intégration de la population locale sur le marché de l’emploi, ce déficit serait difficile à combler sans un apport massif de main-d’œuvre étrangère.

La population active en Suisse, composée actuellement de 5,309 millions de personnes occupées, devrait atteindre 5,8 millions d’ici 2055, selon le scénario de référence. En équivalent temps plein, cela représenterait une hausse de 14,1 % par rapport à 2024. Dans le scénario haut, ce chiffre pourrait grimper jusqu’à 6,6 millions. À l’inverse, sans une immigration suffisante, le nombre d’actifs pourrait rester stable jusqu’en 2036, puis commencer à diminuer, atteignant 5,1 millions en 2055.

Autre donnée cruciale : le rapport entre les seniors (65 ans et plus) et les actifs (20-64 ans). En 2024, on compte 38 seniors pour 100 actifs. Ce ratio passera à 51 d’ici 2055, accentuant la pression sur les systèmes de santé, de retraite et de solidarité.

Les secteurs où la main-d’œuvre étrangère est déjà cruciale

Les secteurs les plus concernés par la pénurie de personnel sont clairement identifiés. En tête : les soins de santé, les technologies de l’information, l’ingénierie, les services financiers et les métiers techniques spécialisés. À cela s’ajoutent la construction, l’agriculture et l’hôtellerie-restauration, qui dépendent déjà fortement d’une main-d’œuvre étrangère.

Dans le domaine de la santé, par exemple, la pression ne cesse de monter : le vieillissement de la population pourrait faire bondir de 50 % le nombre de personnes âgées de 65 ans ou plus d’ici 2055, passant de 1,8 à 2,7 millions de personnes. Ce seul facteur entraînera une demande massive en personnels médicaux, aides-soignants et infirmiers.

Quant aux secteurs technologiques et industriels, ils font face à une concurrence internationale pour attirer les talents. Plusieurs pays européens, eux aussi confrontés à une baisse de leur population active, intensifient leurs politiques d’attractivité. La Suisse risque de perdre des profils qualifiés si elle ne maintient pas des conditions salariales compétitives et un environnement de travail stable.

Un modèle de croissance tributaire des migrations nettes

Graphique: Guido Saurer – economiesuisseSource: Scénario de référence de l’OFSCréé avec Datawrapper

Dès 2035, la totalité de la croissance démographique suisse dépendra des migrations. L’OFS indique que la Suisse pourrait atteindre 10 millions d’habitants en 2040, puis 10,5 millions en 2055. Dans le scénario haut, la population grimperait à 11,7 millions, contre 9,3 millions dans le scénario bas, avec un pic en 2042 suivi d’une baisse.

Cette dynamique démographique met en lumière l’importance de politiques migratoires ciblées. Des goulets d’étranglement sont déjà visibles : logement saturé, transports sous pression, et concentration autour des agglomérations de Zurich et Genève. Les cantons de Vaud, Lucerne, Saint-Gall et Argovie verront leur population croître de plus de 20 %, tandis que d’autres, comme le Jura ou Neuchâtel, resteront quasiment stables.

Un autre changement structurel s’observe : le niveau de formation progresse. D’ici 2028, plus de 50 % de la population âgée de 25 à 64 ans détiendra un diplôme du degré tertiaire.  Pour répondre à une demande de main-d’œuvre dans certains secteurs, le taux d’immigration devra atteindre 62 % en 2045 (64 % dans le scénario haut). Mais cela ne permettra pas de rétablir entièrement les effectifs.

En clair, la question des travailleurs étrangers, n’est pas tant politique qu’économique. Pour pérenniser le modèle social et maintenir un marché du travail stable, la Suisse devra mieux exploiter ses ressources internes et aussi réussir à attirer une main-d’œuvre étrangère qualifiée de manière durable. Le défi d’un large équilibre s’annonce comme un enjeu fort dans la prochaine décennie.

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